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St Martin d’Hères : Référé contre les travaux du centre commercial Neyrpic

St Martin d’Hères : Référé contre les travaux du centre commercial Neyrpic

L’argument de poids qui permettrait une telle suspension est l’absence de plan de gestion de la pollution des sols, sur un site industriel.

 A Saint Martin d’Hères, un collectif de citoyens monte au créneau contre le projet de centre commercial Neyrpic. Prévu pour être bâti sur une friche industrielle, ils s’inquiètent de la pollution des sols et du manque de consultation démocratique pour le devenir de ce patrimoine territorial.

La façade de la croissance verte

St Martin d’Hères est une ville près de Grenoble. Elle a été le bastion des usines Neyrpic, spécialisées en équipements hydrauliques et mécaniques, qui a fait vivre la région pendant un siècle jusqu’en 1967. Sur le site abandonné, quelques entreprises se sont installées, dont le maire qui en 1981 y fonde une « maison communale ». Dans les années 2010 plusieurs bâtiments sont détruits, à l’exception des halles historiques.

Un premier projet de centre commercial est élaboré en 2007 par le promoteur commercial Apsys. Il rencontre une vive protestation des habitants qui refusent que les bâtiments soient rasés. Dix ans plus tard, un second projet commercial voit le jour, par le même promoteur, et les travaux ont commencé en janvier dernier.

Sur son site, l’entreprise Apsys présente ce projet qui se veut également une revalorisation historique, car plusieurs bâtiments remarquables seront conservés et innovés, et le reste de l’architecture sera inspirée des bâtiments industriels.

Le centre commercial fera 24 000 mètres carrés. La coulée verte de 300 mètres carrés est présentée comme « la colonne vertébrale du projet ». Ce sera une artère commerciale avec cafés, restaurants espaces de jeux et de loisirs. L’entreprise met un point d’honneur à faire de ce centre « un site innovant et respectueux de l’environnement », sous la certification européenne BREEAM Very Good.

13 000 mètres carrés de panneaux photovoltaïques en toitures, 1800 mètres carrés de façades végétalisées, parc de stationnement de 604 vélos. Sans mentionner que le stationnement de voitures sera de 850 places, information mentionnée sur le permis mais non sur le site. Côté social, l’entreprise s’engage à confier prioritairement les travaux à des entreprises locales. Respect du site historique et de l’environnement semblent donc une priorité.

Une opposition citoyenne au projet

Pourtant, des habitants de Saint Martin s’opposent depuis longtemps à ce projet commercial. En 2017, une enquête publique a été proposée par la mairie. Elle recueille 200 propositions d’autres projets qu’un centre commercial, et 220 signatures en faveur du centre commercial sans propositions.

Des signatures de complaisance, selon le collectif Neyrpic autrement regroupant une soixantaine de personnes. Entre ceux qui s’en désintéressent, dans une ville où le taux de participation aux élections municipales est de 30%, ceux qui sont bien contents de pouvoir aller au bistro ou s’arrêter dans un magasin, et ceux qui sont convaincus que le projet ne pourra pas être arrêté, le combat est long, et c’est avant tout une question d’information et de pédagogie.

Elizabeth Letz, membre du collectif, constate que « La plupart pense que de toute façon c’est trop tard car les travaux ont déjà commencé. On tente de leur dire qu’on peut encore changer les choses. »

Le collectif vient de déposer un référé de suspension au tribunal administratif de Grenoble pour imposer l’arrêt des travaux. L’argument de poids qui permettrait une telle suspension est l’absence de plan de gestion de la pollution des sols, sur un site industriel. Les travaux qui commencent, cela veut dire remuer les sols, éclater les pierres, faire remonter les substances éventuelles qui s’y trouvent.

La société CETIS qui a réalisé l’étude d’impact du projet souligne la « possibilité de pollution du sol par des liants organiques (phénols, acides, DCO, huile minérale, sulfates, potasse, soude, titane, cyanures de K de Na et de Ca). »

Chloé Gerbier, membre de l’association Notre Affaire à Tous, nous explique le flou juridique : « La législation reste floue : il est stipulé que le maître d’ouvrage doit avoir un plan de gestion des sols, mais il n’est pas spécifié à quel moment il doit l’avoir : avant après ou pendant les travaux. Étant donné que les travaux ont déjà commencé, à ce stade il est difficile d’empêcher le projet de continuer. »

Le projet d’un centre commercial leur apparaît comme contraire à tous les efforts qui ont été faits depuis plusieurs années, alors que Grenoble est reconnue comme une ville verte malgré sa forte pollution due à sa situation géographique.

Pour les membres de cette association, l’entreprise tire parti de la crise actuelle « profitant de l’accalmie des mobilisations due à la crise, les travaux ont continué sans même attendre que le tribunal rende sa décision sur l’autorisation du projet »

L’engagement écologique est devenu un incontournable pour les promoteurs, et c’est à nous de nous familiariser avec ce nouveau langage du capitalisme vert qui nous propose de continuer à consommer de la même manière, avec des gadgets « verts » pour nous donner bonne conscience.

Les stratégies des promoteurs de centres commerciaux pour faire accepter leurs projets sont désormais connues : mettre en avant le parc à vélos, les panneaux photovoltaïques, la coulée verte ou les enseignes locales, mais ne pas mentionner les 850 places de voitures et leur impact sur la circulation déjà difficile de l’agglomération de Grenoble, la consommation énergétique inutile pour les éclairages des centres commerciaux, les plantes – oui mais quelles plantes ? Qui viennent d’où ? Qui ont été aspergées de combien de produits phytosanitaires ?

Ce projet particulier est emblématique des choix de société que nous devons faire. Il pose la question de la réhabilitation de nos espaces et de nos sites historiques, et du modèle de société que nous voulons. Est-il possible d’envisager d’autres lieux de rencontres, d’achats et de loisirs, qu’un centre commercial ?

Comme toujours dans ces projets, la vision à court-terme ne laisse entrevoir que des contrats pour la construction du centre. La précipitation des promoteurs à vouloir décrocher au plus vite le contrat et celle des élus à valider un projet qui peut rapporter des électeurs, empêche toute discussion participative, où les citoyens exprimeraient leurs avis et réfléchiraient ensemble à comment penser leur espace de vie.

Article original de Sarah Roubato, La Relève et La Peste